Acheter en concubinage

Malgré l’instauration du Pacs, la vie en concubinage n’est pas toujours simple sur le plan légal, surtout quand il s’agit d’investir. Plusieurs solutions s’offrent aux couples de concubins voulant acheter ensemble le logement familial : l’indivision, la société civile immobilière, la tontine et le pacte civile de solidarité.

L’indivision

C’est la solution la plus courante. En achetant tous les deux le bien immobilier, les concubins deviennent propriétaires indivis du logement familial. Ce qui ne signifie pas qu’ils en détiennent une part égale. L’acte d’achat précise, en effet, dans quelle proportion chacun est propriétaire du bien, quelles que soient les modalités d’acquisition, notamment en matière d’emprunt.

Dans la mesure du possible, il vaut tout de même mieux que cette répartition légale de la propriété du bien corresponde le plus possible à la réalité de l’apport de chacun et ce, pour deux raisons :

  • en cas de disproportion manifeste, le fisc pourrait, en effet, considérer qu’il s’agit là d’une donation déguisée et réclamer des droits à 60 % sur le cadeau ainsi offert,
  • en cas de séparation, si le concubin le plus généreux veut récupérer ses apports, il devra d’abord en prouver la réalité et ensuite démontrer qu’il s’agissait d’un prêt et non d’une donation.

Si les concubins ont signé un pacte civil de solidarité avant d’acheter le logement, ils sont propriétaires indivis par moitié du logement, sauf mention contraire insérée dans l’acte d’achat. Et cela même si l’un des deux prouve qu’il a contribué davantage à l’acquisition.

Si les concubins veulent éviter ces inconvénients, mieux vaut donc faire établir un contrat de prêt au moment de la signature de l’acte. Rien n’empêche non plus par la suite le concubin concerné de signer une reconnaissance de dette, voire de reconnaître la dette dans une clause de son testament.

Les inconvénients

L’indivision présente un inconvénient majeur : chaque propriétaire peut demander à vendre sa part à tout moment puisque d’après le Code Civil, « nul n’est tenu de rester dans l’indivision » (article 815).

Contrairement au mariage, où il faut au moins le divorce pour entraîner la vente du logement familial en cas de désaccord, l’union libre est plus fragile : au moindre litige, le concubin en indivision peut provoquer la vente forcée du bien en s’adressant au tribunal. Il en est de même en cas de décès d’un des deux concubins : ses héritiers (enfants ou à défaut ascendants ou frères et sœurs) se retrouvent en indivision avec le survivant et peuvent donc, eux aussi, provoquer la vente du logement.

Plusieurs solutions sont possibles pour limiter ce risque :

  • Les concubins peuvent signer une convention d’indivision chez un notaire. D’une durée maximale de cinq ans, cette convention, renouvelable, interdit toute vente ou partage tant qu’elle est en vigueur ; elle est particulièrement utile en cas de décès.
  • Les concubins peuvent signer un pacte civil de solidarité (Pacs). Comme le conjoint survivant, le concubin survivant signataire d’un Pacs peut, en effet, demander au juge l’attribution préférentielle du logement familial, moyennant le versement éventuel d’une soulte aux héritiers. Mais cette attribution est laissée à la libre appréciation des tribunaux.
  • Les concubins peuvent prévoir l’insertion d’une clause de rachat au profit du survivant. Dans ce cas, ce dernier pourra racheter leurs quote-parts aux héritiers du défunt.

Autre inconvénient de l’union libre par rapport au mariage, la cession de parts entre propriétaires indivis est soumise aux droits d’enregistrement au taux normal (5,09 %).

La Société Civile immobilière

Une autre solution consiste à créer, avant d’acheter, une société civile immobilière, en apportant un capital égal au montant de la transaction. C’est cette SCI qui sera propriétaire du bien, les concubins ne détenant que des parts de cette société.

Cette solution présente plusieurs avantages :

  • constitué de parts sociales, le patrimoine est plus facilement partageable,
  • en matière de succession, la SCI protège davantage le concubin survivant : les héritiers du défunt ont moins de pouvoir que dans l’indivision puisque les décisions se prennent à la majorité stipulée dans les statuts.

Mais la situation peut se révéler inconfortable à terme. Et, sur le plan fiscal, les concubins restent défavorisés : qu’il s’agisse de parts de SCI ou d’un logement, la transmission par donation ou succession demeure très coûteuse.

Deux solutions peuvent être utilisées pour limiter ces inconvénients :

  • les concubins peuvent prévoir un démembrement croisé des parts,
  • l’insertion d’une clause d’agrément dans les statuts de la SCI.

Démembrement croisé des parts

Ce montage juridique astucieux peut s’expliquer par un exemple.

  • M. Martin et Mlle Dupont peuvent constituer leur SCI en se répartissant l’usufruit et la nue-propriété des 100 parts.
  • Monsieur achète l’usufruit des parts n° 1 à 50 et la nue-propriété des parts n° 51 à 100.
    Mademoiselle achète l’usufruit des parts n° 51 à 100 et la nue-propriété des parts n° 1 à 50.
  • Si Monsieur décède en premier, Mademoiselle récupérera la pleine propriété des parts n° 1 à 50 (sans payer de droits de succession) et conservera l’usufruit des parts n° 51 à 100, dont la nue-propriété sera répartie entre les héritiers de Monsieur. Elle pourra donc conserver la pleine jouissance du logement jusqu’à son décès.
  • Si Mademoiselle décède en premier, Monsieur récupérera la pleine propriété des parts n° 51 à 100 (sans payer de droits de succession) et conservera l’usufruit des parts n° 1 à 50, dont la nue-propriété sera répartie entre les héritiers de Mademoiselle. Il pourra donc conserver la pleine jouissance du logement jusqu’à son décès.

Insertion d’une clause d’agrément dans les statuts de la SCI

Au décès de l’un des concubins, ses héritiers ou légataires devront obtenir l’accord de l’associé survivant pour devenir associés de la SCI, mais si ce dernier refuse, il devra naturellement racheter les parts en question.

Les solutions offertes par une SCI sont donc intéressantes, mais les inconvénients ne sont pas négligeables : le fonctionnement de la SCI est relativement lourd et entraîne des frais administratifs et comptables.

La tontine

La « tontine » ou « clause d’accroissement », intervient quand deux ou plusieurs personnes achètent un même bien, meuble ou immeuble, en commun. Insérée dans le contrat, elle prévoit que ce bien reviendra en pleine propriété au dernier des survivants, après le décès de tous les autres co-acquéreurs. Le survivant est supposé avoir été seul propriétaire du bien depuis le jour de l’acquisition et ses co-acquéreurs, décédés avant lui, sont supposés n’avoir jamais possédé réellement ce bien.

Cet « artifice » juridique a une conséquence importante : le bien est censé n’avoir jamais fait partie du patrimoine du défunt. Il n’y a pas « transmission » entre le défunt et le survivant. Ne faisant pas partie de sa succession, le bien échappe ainsi aux règles de la réserve héréditaire et des libéralités.
La tontine est donc un moyen efficace d’assurer l’avenir du concubin survivant.

En outre, quand le bien constitue la résidence principale des personnes concernées au moment du décès, le survivant ne paie que les droits de mutation à titre onéreux (beaucoup moins élevés que les droits de succession). Condition exigée : la valeur du bien ne doit pas dépasser 76 000 €.

L’intérêt de cette formule, séduisante dans son principe, reste limité en raison du faible du plafond d’exonération. Mais surtout, la tontine est beaucoup plus rigide que l’indivision ou la SCI. Il faut l’accord des deux parties pour vendre ou attendre le décès de l’une d’elles …

Le pacte civil de solidarité

La signature d’un Pacs entre deux concubins ne change pas grand-chose en matière d’achat immobilier : il s’agit purement et simplement d’un achat en indivision, supposé financé à parts égales sauf mention contraire dans l’acte.
Par contre, il n’y a pas de droits de succession entre pacsés.
En outre, le concubin survivant signataire d’un Pacs peut demander au juge l’attribution préférentielle du logement (cf. plus haut).

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